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EQUITATION ESSENTIELLE
20 novembre 2014

POUR UN PLAN COHÉRENT DE SAUVEGARDE DE L'ÉQUITATION DE TRADITION FRANÇAISE

Lors des premières rencontres de l’équitation de tradition française, les 16 et 17 octobre derniers, la sauvegarde du patrimoine inscrit par l’Unesco en novembre 2011 est apparue comme une ardente obligation de moyens à laquelle tous les acteurs avaient déclaré adhérer a priori.

Nous sommes tous concernés par la mise en œuvre de cette obligation.

Mais comme la communauté qui soutient le patrimoine inscrit n’a pas, pour l’heure, été correctement définie, pas davantage d’ailleurs que le concept même d’équitation de tradition française, il n’est que temps que l’on dépasse le stade des discours et que l’on commence à agir dans le sens de la préservation des pratiques équestres dans lesquelles cette communauté se reconnaît.

Il s’agit d’imaginer à présent des actions concrètes et de les entreprendre, sans attendre la seing-glinglin si propice aux enterrements de première classe…

 

 

ÉQUITATION DE TRADITION FRANÇAISE  

POUR UN PLAN COHÉRENT DE SAUVEGARDE

 

Le ministère français de la culture a publié le schéma du plan de sauvegarde figurant au dossier de la candidature à l’inscription au PCI et dont il propose la mise en œuvre pour la préservation de l’équitation de tradition française. En voici le texte :

"Le plan de sauvegarde de l'équitation de tradition française de l'École nationale d'équitation (ENE) se décline en trois axes :

  • colloques et démonstrations didactiques destinés aux enseignants et professionnels, pour permettre échanges et témoignages ; formation internationale des moniteurs étrangers à Saumur proposée aux candidats intéressés par un approfondissement de leurs connaissances dans ce domaine ; invitation de personnalités équestres étrangères à présider les galas pour témoigner de leur attachement aux valeurs de l'équitation de tradition française.

 

  • accès facilité à un riche fonds de documents : le développement du centre de documentation de l'ENE regroupant ouvrages anciens, éditions inédites, documents précieux mais aussi vidéos et archives photographiques, est un moyen puissant de sauvegarder et diffuser des savoirs utiles aux cavaliers. La numérisation des livres et leur diffusion libre sur le site internet de l'ENE offre un accès mondial et facile à des documents parfois introuvables ou très rares.

 

  • prise de conscience dès la formation élémentaire en club : grâce à la participation de la Fédération française d'équitation, l'attention des cavaliers amateurs et des enfants sera attirée par l'introduction d'un chapitre particulier dans les prochaines éditions des ouvrages de préparation aux examens fédéraux, en mettant en valeur la spécificité de l'équitation de tradition française, en particulier le refus de céder à la violence et à la contention, et les vertus d'une école de vie respectueuse et ambitieuse".

 

Si ces trois actions sont nécessaires, elles sont toutefois notoirement insuffisantes. Les modalités, voies et techniques de transmission du message socioculturel de l’équitation de tradition française pourraient être à la fois plus diverses et plus fertiles, notamment en ce qui concerne d’éventuelles conséquences sur la formation "nationale" des moniteurs d’équitation français.

Deux conditions préalables doivent toutefois être remplies avant d’expliciter davantage les dispositions concrètes  d’un plan cohérent de sauvegarde pour l’équitation de tradition française. La première de ces conditions est une définition, la moins imprécise possible, des contours de la communauté en charge de ce patrimoine culturel immatériel. La seconde est une délimitation, sans la moindre complaisance, du contenu du concept d’équitation de tradition française, assortie d’un complément de définition du message socioculturel à préserver.

Les recherches exploratoires ont été entreprises à cet égard dans une série de notes de travail (work-papers n° 1 à 7) publiées sur le blog Equitation Essentielle (http://equicem.canalblog.com/).

La présente contribution comportera par conséquent trois parties : dans une première partie, on traitera de la communauté soudée autour de l’équitation  de tradition française ; une seconde partie précisera le contenu des pratiques équestres réunies autour du concept d’équitation de tradition française ; la troisième partie proposera un plan de sauvegarde cohérent de ce patrimoine culturel immatériel propre à la communauté qui le revendique.

 

I. La communauté de l’équitation de tradition française.

Elle comprend des cavaliers individuels ou des groupements de cavaliers, français ou non, pratiquant habituellement et défendant une équitation basée sur une relation harmonieuse entre l’homme et le cheval.

En son centre, le Cadre Noir de Saumur, groupement dépositaire de la tradition équestre telle qu'il la revendique, c’est-à-dire issue de la lignée d’écuyers et maîtres d’équitation qui part de la Renaissance et aboutit au XXIème siècle, en transitant par les enseignements de l’Ecole baroque, puis de celle de Versailles et du Manège militaire de Saumur, sans oublier les apports, décisifs en matière de légèreté comme en bien d’autres domaines de l’art équestre, des écuyers de l’Ecole bauchériste.

Sur la périphérie, tous les cavaliers et amateurs d’équitation qui reconnaissent "la signature" de l’équitation de tradition française, laquelle est caractérisée par

  • "la discrétion des interventions de l’écuyer, l’absence d’effets de force et de contrainte… ce que l’on nomme la légèreté", d’une part ;
  • l’abandon de la logique de la compétition qui aurait pour effet une "déviation potentiellement dangereuse" et réductrice à la seule course au palmarès, d’autre part.

Si bien que la communauté portant le patrimoine culturel de l’équitation spécifiquement française serait alors caractérisée par les six dimensions culturelles suivantes :

a) Du point de vue technologique, par les faits qu'elle représente un nombre très important d’établissements équestres dans lesquels sont ou pourraient être enseignés les principes de l’équitation de tradition française ; que le monde du cheval dispose et entretient une langue à vocabulaire spécifique sous la forme d’un jargon professionnel particulier ; et, surtout, que tant les écuyers et le corps des enseignants du Cadre Noir que de nombreux instructeurs et autres acteurs équestres répartis sur le territoire communautaire disposent des connaissances et des savoir-faire spécifiques légués par la tradition équestre née et pérennisée en France.

b) Du point de vue économique, par les faits que la communauté dispose d’organisations et de structures, commerciales ou désintéressées, dédiées à la délivrance de prestations de services à titre gracieux ou onéreux, parmi lesquelles les prestations pédagogiques sont les plus importantes et participent largement aux flux de la transmission des principes de l’équitation de tradition française  ;  que, par ailleurs, les allocations de ressources se font pour partie par le canal des subventionnements publics, pour une autre partie par celui des financements privés.

c) Du point de vue politique, par les faits que, tant le centre que la périphérie sont tenus par des groupements responsables de leur action et jouissant des délégations de pouvoir suffisantes pour se gérer ; que les actions des groupes communautaires interfèrent entre elles et avec l’extérieur, y compris dans le sens de pression de lobbying ; que certaines individualités sont appelées à émerger et servir de modèles ou de leaders aux divers membres de la communauté.

d) Du point de vue social et institutionnel, par les faits que les alliances interindividuelles, amitiés, connections diverses opèrent en permanence des regroupements temporaires ou pérennes avec l’objectif de changer, de consolider ou de revitaliser les autres dimensions culturelles de la communauté ; que de nombreuses manifestations, tels que des colloques, rencontres, réunions, échanges locaux, nationaux ou internationaux, galas ou autres sont organisées en vue de faire connaître ou de promouvoir les principes de l’équitation de tradition française.

e) Du point de vue des valeurs éthiques ou esthétiques, par les faits que l’ensemble des membres de la communauté sont passés par des formations de base identiques ayant eu pour effet de les acculturer dans le sens d’une pleine adhésion aux principes de l’équitation de tradition française ; que la notion d’art équestre est commune à tous les membres, même à ceux qui ne pratiquent pas l’équitation savante et se contentent d’une équitation d’extérieur ou d’une équitation sportive de bon aloi ; que c’est toutefois à cet égard que les craintes de fissuration du bloc communautaire sont les plus fondées.

f) Du point de vue des croyances et concepts, par les faits que l’immense majorité des membres de la communauté sont acquis à une commune échelle de valeurs et partagent une même vision du monde équestre… et, peut-être du monde en général ;  que la proximité quotidienne de l’animal opère par contagion dans le sens d’une idéologie de la tolérance, même si les individualités s’y trouvent fréquemment exaspérées.

Tant de choses réunissent en définitive les membres de la communauté que l’on peut (et doit) se poser la question de savoir quels seraient les motifs d’éventuelles dissensions.

Or, il existe deux vrais sujets de discorde : ils portent respectivement

  • sur la place de la compétition équestre dans les pratiques communautaires
  • et sur les modes de transmission des principes qui fondent l’équitation de tradition française.

L’incantation figurant sur le document de candidature à l’inscription sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel et qui consiste en une condamnation de principe de la compétition équestre en ce qu'elle serait "potentiellement dangereuse" ne règle aucun des problèmes de fond posés par la course à la performance sportive à travers des règlementations de plus en plus dérogatoires à l’éthique équestre. Au-delà de la rhétorique, cette insuffisance doit impérativement être corrigée et notoirement amendée à travers la mise en place du plan de sauvegarde.

L’association de la Fédération Française d’Equitation à un quelconque plan de sauvegarde prêtera à confusion autant qu'à scepticisme aussi longtemps que la capacité de transmission des principes de l’équitation de tradition française dont disposeraient les personnels en charge de cette transmission (les enseignants de la base, moniteurs diplômés d’Etat ou animateurs diplômés fédéraux) ne pourra être attestée par une formation spécifique particulièrement axée sur la culture et la technique équestres. La réflexion sur la préservation du patrimoine commun de l’équitation française de tradition passe obligatoirement par une réflexion sur la réforme préalable du système et des programmes de formation des enseignants d’équitation.

 

II. Les pratiques équestres rattachées au concept d’équitation de tradition française

Pour que la communauté en charge du patrimoine culturel immatériel de l’équitation de tradition française soit une entité crédible, elle ne peut pêcher par excès d’œcuménisme, ni par excès de sectarisme.

D’où la nécessité de trier, parmi toutes les pratiques et disciplines possibles, celles qui peuvent prétendre à la conformité aux normes de l’équitation de tradition française. Et d’abord, d’énoncer clairement ces normes et les règles fondamentales qui en découlent.

Tant le ministère français de la culture que le comité Intergouvernemental de sauvegarde de l’Unesco définissent l’équitation de tradition française comme "un art de monter à cheval ayant comme caractéristique de mettre en relief une harmonie des relations entre l’homme et le cheval. Les principes et processus fondamentaux de l’éducation du cheval sont l’absence d’effets de force et de contraintes ainsi que des demandes harmonieuses de l’homme respectant le corps et l’humeur du cheval. La connaissance de l’animal (physiologie, psychologie et anatomie) et de la nature humaine (émotions et corps) est complétée par un état d’esprit alliant compétence et respect du cheval. La fluidité des mouvements et la flexibilité des articulations assurent que le cheval participe volontairement aux exercices".

En principe, toutes les disciplines équestres, même celles qui ne sont pas issues de la tradition équestre française, devraient pouvoir s’inscrire dans le cadre de "l’harmonie des relations", car toutes sont susceptibles de renoncer délibérément aux "effets de force et de contraintes".

Ce n’est hélas pas le cas, notamment pour la plupart des disciplines de compétition.

En effet, si la finalité du sport équestre n’est pas de gagner la course, mais de participer à l’effort, dès lors que cette finalité est orientée vers la seule conquête du palmarès, il y a potentialité de dévoiement. C’est donc dans la primauté du résultat sur la participation que réside la dérive de la compétition équestre.

La seule manière de pallier à cette tentation permanente de dérive sportive est de coiffer systématiquement toute manifestation sportive d’équitation par une réglementation drastique de l’éthique de l’emploi sportif du cheval. Pourraient alors se réclamer des principes de l’équitation de tradition française, les cavaliers qui souscriraient à titre personnel et individuel  à une charte éthique spécifiquement rédigée à leur intention et n’y failliraient pas au cours de leurs prestations d’entraînement ou publiques.

Une telle mesure ne servirait évidemment à rien si elle n’était complétée par un système automatique et parfaitement indépendant de sanction des manquements. L’instauration de cette structure de contrôle est donc partie intégrante d’une politique de sauvegarde patrimoniale de l’équitation de tradition française.

 

III. Propositions complémentaires pour un plan de sauvegarde de l’équitation de tradition française

En partant de la rédaction du dossier de candidature et du plan de sauvegarde qui y est suggéré, on peut développer (a minima) les propositions suivantes.

Au niveau du ministère des sports :

  • révision des programmes de formation des enseignants d’équitation, avec inclusion d’un module de culture équestre (histoire, techniques équestres traditionnelles, bibliographie des grands écuyers du passé) ;
  • réforme du système de préparation aux diplômes d’Etat par adjonction d’une part de "compagnonnage" et d’apprentissage "initiatique".

 

Au niveau du centre (E.N.E., Cadre Noir) :

  • "Colloques et démonstrations didactiques destinés aux enseignants et professionnels, pour permettre échanges et témoignages" ;
  • "formation internationale des moniteurs étrangers à Saumur proposée aux candidats intéressés par un approfondissement de leurs connaissances dans ce domaine" ;
  • "invitation de personnalités équestres étrangères à présider les galas pour témoigner de leur attachement aux valeurs de l'équitation de tradition française".
  • "Accès facilité à un riche fonds de documents : le développement du centre de documentation de l'ENE regroupant ouvrages anciens, éditions inédites, documents précieux mais aussi vidéogrammes et archives photographiques, est un moyen puissant de sauvegarder et diffuser des savoirs utiles aux cavaliers".
  • "La numérisation des livres et leur diffusion libre sur le site internet de l'ENE offre un accès mondial et facile à des documents parfois introuvables ou très rares".

 

Au niveau de la périphérie (F.F.E., clubs et autres structures, cavaliers) :

 

  • "prise de conscience dès la formation élémentaire en club : grâce à la participation de la Fédération française d'équitation, l'attention des cavaliers amateurs et des enfants sera attirée par l'introduction d'un chapitre particulier dans les prochaines éditions des ouvrages de préparation aux examens fédéraux, en mettant en valeur la spécificité de l'équitation de tradition française, en particulier le refus de céder à la violence et à la contention, et les vertus d'une école de vie respectueuse et ambitieuse".
  • Réforme des critères d’analyse comportementale de la commission d’éthique ; au besoin remplacement par une autorité indépendante ayant vocation à contrôler le déroulement de toutes les manifestations sportives organisées sur le territoire national et à intervenir, dans les manifestations internationales, sur tout cavalier français qui manquerait aux règles d’éthique définies en France.

 

Il restera que les efforts de préservation du patrimoine de l’équitation française de tradition vaudront tout autant que les hommes qui en auront la charge. Au-delà du choix exercé par le ministère de la culture en faveur de l’E.N.E., il est donc important de désigner clairement, à l’intérieur de la communauté,  l’ensemble des compétences requises pour mener à bien les tâches de sauvegarde, de mettre en place les structures indispensables à l’exécution de cette mission et de doter celles-ci des ressources humaines et financières nécessaires.

Bernard Mathié © novembre 2014

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Commentaires
P
Merci de votre réponse. <br /> <br /> Nous savons tous que, pour inviter ( et non "faire venir"), il faut des moyens. Les textes permettent de prévoir et, un beau jour, régir ces moyens. <br /> <br /> J'aimerai seulement qu'on ne refuse pas, toujours le même beau jour, ces moyens à un français résidant à l'étranger, parce que son "cas" n'avait pas été prévu dans les textes.
P
Bonjour, comme il faut bien commencer quelque part: qu'en est t'il ici des personnalités française vivant à l'étranger ? Racinet en était une, par exemple.... .Ce plan ne prévoit pas d'inviter une personnalité dans une situation identique à la sienne. Est-ce un problème pour la transmission du savoir à sauf garder ici?
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