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EQUITATION ESSENTIELLE
3 novembre 2014

EQUITATION DE TRADITION FRANÇAISE : "VIABILITÉ EFFECTIVE". CONVENTION DE L'UNESCO

EQUITATION DE TRADITION FRANÇAISE
WP 2 — 21/10/2014 

 

"VIABILITÉ EFFECTIVE"
DE L’ÉQUITATION DE TRADITION FRANÇAISE

par Bernard Mathié ©

 

" La vraie légèreté est l’indice révélateur et infaillible de l’équilibre parfait du cheval"
(François Faverot de Kerbrech, Dressage Méthodique du cheval de Selle).

 


Synthèse

L’Équitation de Tradition Française a été inscrite au patrimoine culturel immatériel de l’Humanité par une décision de l’Unesco prise en 2011. Les initiateurs de cette démarche ont dès lors contracté l’obligation de parfaire les conditions de cette inscription en s’engageant à maintenir et conserver la "viabilité effective" du patrimoine inscrit. C’est dans le cadre de cette obligation conventionnelle que la Première Rencontre de l’Equitation de Tradition Française a été organisée à Saumur les 16 et 17 octobre 2014.avec l’objectif affiché de "donner à ce patrimoine vivant tout le relief et le dynamisme nécessaires à sa transmission et diffusion".

Il s’agit là d’une première tentative de démontrer la "viabilité effective" de la démarche d’inscription. Même si l’on doit considérer qu'elle n’est pas criante de réussite, il faut convenir qu'elle a l’immense mérite de clarifier les insuffisances, de les mettre en lumière et, si l’on veut bien être optimiste, d’ouvrir, à partir de là, des perspectives d’amélioration.

Une première difficulté se trouve liée tant à la définition du contenu de l’Équitation de Tradition Française qu'à la fixation des limites de la communauté qui porte le destin de ce patrimoine : ce sont là deux exigences fondamentales de l’inscription à l’inventaire.

Au-delà, il s’agit de faire vivre effectivement toutes les composantes du patrimoine : les identifier correctement, en parfaire la documentation, déterminer les axes de recherche prioritaires, organiser la promotion et la mise en valeur, en assurer la transmission par l’éducation formelle et non formelle, enfin garantir sa revitalisation permanente.

Ce sont ces diverses tâches qui incombent à la communauté tout entière, mais d’abord à ses représentants les plus significatifs : l’une des priorités de l’action est donc bien la formalisation d’une structure représentative dont la composition devrait être articulée sous la supervision de l’Ecuyer en Chef du Cadre Noir.

Ce travail préalable devrait, selon l’auteur du présent article, être entrepris dans les mois à venir et terminé pour les prochaines Rencontres de l’Équitation de Tradition Française, en octobre 2015.

 

 

 

Introduction

 

Rappel historique d’une inscription au Patrimoine Culturel Immatériel

L’Équitation de Tradition Française a été inscrite sur la Liste Représentative du Patrimoine Culturel Immatériel de l’Humanité lors de la sixième session du Comité intergouvernemental pour la sauvegarde du Patrimoine Culturel Immatériel tenue à Bali, en Indonésie, du 22 au 29 novembre 2011 (Référence du dossier : 0440).

La candidature avait été déposée en août 2010, sur base d’une description relativement détaillée, à partir de laquelle le Comité intergouvernemental devait pouvoir décider que l’Équitation de Tradition Française satisfaisait aux critères et méritait en conséquence son inscription sur la Liste Représentative du Patrimoine Culturel Immatériel de l’Humanité.

L’affaire n’était pas gagnée d’avance.

En effet, le dossier présenté par le Cadre Noir et soutenu par le Ministère français de la Culture n’a pas vraiment convaincu l’organe subsidiaire chargé de son instruction. Sur plus de 40 dossiers présentés, il a été le seul à ne pas réunir de consensus, les divergences portant sur deux points : d’une part, les modes de transmission vers les générations à venir ; et, d’autre part, les dangers de dérive vers une pathologie de la compétition sportive.

L’organe subsidiaire, dans la rédaction de son projet de décision, a donc laissé au Comité intergouvernemental (organe politique) le soin de prendre ses responsabilités en lui ouvrant une option de renvoi.

Projet de décision 6.COM 13.14 (rédigé par l’organe subsidiaire)

Le Comité intergouvernemental :

1. prend note que la France a proposé la candidature de l’Équitation de Tradition Française en vue de son inscription sur la Liste représentative du Patrimoine Culturel Immatériel de l’Humanité :

"L’équitation de tradition française est un art de monter à cheval ayant comme caractéristique de mettre en relief une harmonie des relations entre l’homme et le cheval. Les principes et processus fondamentaux de l’éducation du cheval sont l’absence d’effets de force et de contraintes ainsi que des demandes harmonieuses de l’homme respectant le corps et l’humeur du cheval. La connaissance de l’animal (physiologie, psychologie et anatomie) et de la nature humaine (émotions et corps) est complétée par un état d’esprit alliant compétence et respect du cheval. La fluidité des mouvements et la flexibilité des articulations assurent que le cheval participe volontairement aux exercices. Bien que l’équitation de tradition française soit exercée dans toute la France et ailleurs, la communauté la plus connue est le Cadre Noir de Saumur, basé à l’École Nationale d’Équitation. Le dénominateur commun des cavaliers réside dans le souhait d’établir une relation étroite avec le cheval, dans le respect mutuel et visant à obtenir "la légèreté". La coopération entre générations est solide, empreinte de respect pour l’expérience des cavaliers plus anciens et riche de l’enthousiasme des plus jeunes. La région de Saumur est également le foyer des enseignants, des éleveurs, des artisans (selliers, bottiers), des services vétérinaires et des maréchaux ferrants. De fréquentes présentations publiques et des galas donnés par le Cadre Noir de Saumur contribuent à assurer la visibilité de l’équitation de tradition française".

2. décide que, d’après l’information fournie dans le dossier de candidature n° 0440, l’Équitation de Tradition Française satisfait aux critères d’inscription sur la Liste Représentative comme suit :

R.1 : (option OUI) l’Équitation de Tradition Française allie connaissances et compétences équestres ; transmises de génération en génération, elles sont reconnues par la communauté des cavaliers comme faisant partie de son patrimoine culturel ;

R.2 : son inscription sur la Liste Représentative pourrait contribuer à renforcer la visibilité et la prise de conscience de l’importance du patrimoine culturel immatériel, notamment parmi les praticiens d’une tradition similaire ailleurs ;

R.3 : (option OUI) les mesures en vigueur et celles envisagées pour assurer la sauvegarde de l’Équitation de Tradition Française incluent des recherches scientifiques, des galas et des manifestations publiques, des tournées mondiales du Cadre Noir ainsi que la sensibilisation ;

R.4 : la candidature a été préparée avec la participation de la communauté équestre des cavaliers et comporte la preuve du consentement libre, préalable et éclairé des maîtres cavaliers du Cadre Noir ;

R.5 : l’Équitation de Tradition Française et le Cadre Noir de Saumur sont inscrits sur l’Inventaire du patrimoine culturel immatériel de la France, administré par le Ministère de la culture et de la communication.

3. décide en outre que l’information fournie dans le dossier de candidature n’est pas suffisante pour permettre au Comité de déterminer si les critères R.1 et R.3 pour l’inscription sur la Liste représentative sont satisfaits :

R.1 : (option RENVOI) bien que l’équitation française ait une longue histoire, de plus amples informations sont nécessaires sur ses fonctions sociales actuelles au sein de la communauté qui la pratique et sur son mode de transmission ;

R.3 : (option RENVOI) de plus amples informations sont nécessaires pour démontrer que l’objectif principal des mesures proposées est la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel au sens de la Convention, plutôt que la promotion d’une pratique sportive française.

4. aboutit à une décision clivée entre une option OUI et une option RENVOI :

  • par application de l’option OUI, inscrit l’équitation de tradition française sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité ;
  • ou bien, par application de l’option de RENVOI, renvoie la candidature de l’équitation de tradition française et invite l’État français à resoumettre la candidature lors d’un cycle ultérieur, en fournissant les informations supplémentaires spécifiées concernant les critères R.1 et R.3.

La prise de position de l’organe subsidiaire est révélatrice des problèmes posées par le concept d’Équitation de Tradition Française tel qu'il a été soumis à l’appréciation des experts de l’Unesco. Ces problèmes sont les suivants :

1° quelle est la vraie communauté de cavaliers qui peut se réclamer légitimement de l’équitation de tradition française ?

2° quelles sont les fonctions sociales de cette équitation dans cette communauté des cavaliers ?

3° quels sont les modes de transmission de la tradition équestre française ?

4° le dossier déposé par le Cadre Noir et le ministère de la Culture  a-t-il pour véritable objectif la sauvegarde d’un patrimoine culturel immatériel tel que l’entend la Convention de l’Unesco ; ou bien, au contraire, s’agit-il seulement de défendre et de promouvoir la seule dérive sportive de l’équitation française de tradition ?

Les questions de l’organe subsidiaire sont très loin d’être anodines. Elles concernent en effet très exactement l’ensemble des doutes que sème la pratique de la compétition sportive dans la communauté des cavaliers de France et d’ailleurs. Elles mettent le doigt précisément sur les difficultés d’identification du contenu du patrimoine inscrit et de la transmission intergénérationnelle de celui-ci. Car sans une identification détaillée et sans la mise en place et en œuvre de modes de transmission efficaces, apparaît quasi-instantanément un vrai risque de sclérose des éléments patrimoniaux concernés.

 

I. – À propos du contenu du patrimoine inscrit

 

L'inventaire des patrimoines ne peut se faire sans la participation des communautés, des groupes ou des individus dont le patrimoine doit être identifié et défini.

Ce sont en effet les communautés qui créent le patrimoine culturel et le maintiennent vivant. Il est donc logique qu'elles occupent une place privilégiée dans sa sauvegarde. Les communautés qui pratiquent le patrimoine culturel immatériel sont mieux placées que quiconque pour l'identifier et le sauvegarder, et doivent donc être impliquées lorsque leur patrimoine culturel immatériel est amené à être identifié par le travail d’inventaire. La définition que donne la Convention du patrimoine culturel immatériel nous rappelle qu'il doit être reconnu par les communautés, groupes et individus dont il relève ; sans cette reconnaissance, personne d'autre ne peut décider pour eux qu’une expression ou une pratique donnée est leur patrimoine.

Par ailleurs, selon l’article 12 de la Convention de l’Unesco, les inventaires doivent être mis à jour régulièrement. Cette mise à jour est vitale, compte tenu du fait que le patrimoine culturel immatériel est en constante évolution et que les menaces affectant sa viabilité peuvent surgir très rapidement et remettre en cause la pertinence de l’inscription.

1. Non pas le Cadre Noir, mais ses pratiques et traditions équestres.

La première demande adressée au ministre de la Culture en 2008 portait sur l’inscription du Cadre Noir, de ses pratiques et de ses traditions. Mais les experts français se heurtèrent à de nombreuses difficultés concernant cette demande. D’abord, fallait-il opter pour une inscription sur la Liste de Sauvegarde ou sur la Liste Représentative ? Ensuite, que fallait-il inscrire ?

En réalité, on avait songé alors à préserver la pratique équestre spécifiquement en vigueur parmi les écuyers du Cadre Noir et de la mettre à l’abri des dérives que menaçait d’introduire l’équitation sportive par le biais de la compétition.

On retrouvait ainsi l’habituel clivage entre l’équitation de base et l’équitation savante. Et, de surcroît, on ne pouvait s’abriter efficacement des évolutions récentes dans la conception de la relation des cavaliers à leurs chevaux : on craignait autant les dérives de la maltraitance que celles de l’excès inverse conduisant à considérer le cheval comme un animal de compagnie. Il y avait donc menace sur l’élément Cadre Noir. Devait-on alors envisager une inscription sur la Liste de Sauvegarde d’urgence ? Et, si l’on optait pour cette solution, quelles mesures matérielles urgentes convenait-il de proposer pour préserver l’élément et sa pérennité ?

À partir de cette première réflexion, force était bien de décider que la condition matérielle du Cadre Noir n’était certes pas exempte de toute insuffisance, mais n’en était pas, pour autant, alarmante au point de crier au feu.

L’inscription de l’institution Cadre Noir posait donc vraiment problème. D’autant plus que la communauté qui soutenait cette institution était quelque peu trop réduite et trop difficile à cerner véritablement. On donnait en réalité l’impression de mettre l’institution sous tutelle plutôt que d’organiser la sauvegarde des principes et idées qui l’animaient.

Le comité d’experts français réunis autour du Ministère de la Culture parvint ainsi à la conclusion qu'en mettant davantage l’accent sur une analyse de la tradition équestre et de ses principes sur le long terme, à travers l’Histoire, on pouvait mieux prospérer vers les objectifs que l’on s’était fixés.

On décida alors d’une part de viser une inscription sur la Liste Représentative du patrimoine culturel immatériel et, d’autre part, de ranger, au rang des préoccupations essentielles, l’institution du Cadre Noir derrière les pratiques équestres que revendiquaient ses écuyers.

À partir de là, on savait mieux où aller : l’élément essentiel à préserver devenait l’équitation pratiquée par le Cadre Noir et non le Cadre lui-même. On avait trouvé la méthodologie correcte. Il suffisait à présent de lister les principes que l’on souhaitait sauvegarder et de leur donner un nom générique.


2. Choix de la communauté représentative de l’élément à protéger

La première obligation était évidemment de lier les pratiques équestres considérées à une communauté qui les soutienne, les défende et les fasse siennes.

Là commence la première des ambiguïtés du dossier : (extrait du dossier 0440, C. Caractéristiques de l’élément) "La communauté rassemble de par le monde les cavaliers ayant choisi de respecter les principes énoncés par le général L’Hotte, véritable théoricien de l’équitation de tradition française"…

"… Certes, la communauté la plus visible et la plus ‘médiatisée’ reste le Cadre Noir… Son influence s’étend et persiste ainsi par l’intermédiaire de ses anciens élèves qui constituent une sorte de réseau. La pluralité des disciplines enseignées, les résultats au plus haut niveau de compétition de ses écuyers et la richesse des expériences cumulées en font un ambassadeur naturel de l’Équitation de Tradition Française, sans prétendre pour autant à l’exclusivité… Le spectre des cavaliers attirés par cette démarche… se complète utilement par des amateurs, des ‘meneurs’ (cavalier d’attelage), des jockeys, bref une communauté dont le dénominateur commun réside dans le désir d’établir une relation presque idéale avec le cheval, sans violence (ce qui exclut l’emploi systématique de moyens de contention tels que les enrênements), dans le respect mutuel et visant à obtenir la légèreté".

La réduction à la seule philosophie équestre de l’Hotte, une vision quelque peu étriquée d’une communauté à visibilité bornée à celle du seul Cadre Noir, doublée d’une extension hardie vers des pratiques de course équestre qui seraient vierges de tout recours à la violence : les rédacteurs du projet font preuve d’angélisme en prenant leurs désirs pour des réalités.

Ainsi qu'on le verra infra, La communauté capable de s’approprier et de faire vivre l’Équitation de Tradition Française est à la fois plus étendue en nombre et moins éclectique du point de vue de ses pratiques que celle imaginée par les rédacteurs du projet d’inscription.

3. Les principes de l’Équitation de Tradition Française

Pour une première approche, on pourrait, en exergue, poser, à l’instar des rédacteurs du projet d’inscription, les principes de base suivants :

1° principe de l’harmonie des relations entre l’homme et le cheval, basées sur l’authenticité et la sincérité, mais aussi sur la maîtrise de la gestuelle et la connaissance approfondie du cheval ;

2° principe de l’importance du legs culturel constitué par la somme des travaux, expériences et relations écrites des grands maîtres du passé ;

3° principe de la transmission (non figée) de la tradition de génération en génération, assurant une continuité de l’héritage du 16ème siècle à nos jours ;

4° principe du refus de toute logique de compétition équestre sportive ou autre : parce qu'elle est bien plus qu'une simple activité physique ou sportive, l’équitation de tradition française s’oppose à l’équitation de compétition.

Difficile à concevoir, ce schisme soudain entre l’équitation sportive et la compétition équestre ! Et pourtant on insiste lourdement, en enfonçant le clou : l’Équitation de Tradition Française, "c’est aussi une façon de s’affirmer face à la déviation potentiellement dangereuse d’une forme ‘d’uniformisation’ entraînée par les compétitions sportives et leurs réglementations. La seule logique de la compétition peut en effet conduire à réduire les cultures équestres à la seule mesure qui compte : la victoire, souvent ramenée à une mesure de temps ou de hauteur. L’importance de ‘l’art et la manière’ d’obtenir le résultat attirera l’attention sur d’autres valeurs que l’utilitarisme… On est donc loin d’une utilisation mercantile d’un label à de seules fins de promotion".

Merveilleux paragraphe de vœux pieux ! Constatons cependant qu'à ce jour, le premier iota d’une telle incitation n’a pas été écrit depuis l’inscription de 2011. Bien au contraire, on continue de plus belle à encourager, tant au niveau de l’E.N.E. (par le biais du ministère des Sports) qu'à celui de la F.F.E. une équitation bassement utilitaire, mercantile, vénale sur tous les terrains de concours de tous les week-ends du calendrier. Ah ! Hypocrisie, quand tu nous tiens !

L’organe subsidiaire en charge de l’instruction du dossier d’inscription, même s’il a succombé à quelques imperfections sémantiques, ne s’est pas vraiment trompé lorsqu’il a reproché au dossier d’être potentiellement un mémoire de défense d’une simple pratique sportive spécifiquement française…

Il nous appartient de prouver le contraire. Tout en gardant à l’esprit qu'il est toujours plus facile de proclamer de grands principes généraux que de s’engager, au-delà de l’incantation, dans la voie de leur application.

Il revient au Cadre Noir de Saumur de nous montrer le chemin que ses représentants ont tracé pour obtenir l’inscription au patrimoine culturel immatériel de l’Humanité de ce qui n’est encore, aujourd’hui, qu'une fiction.

Autrement dit, que convient-il de faire pour que l’Équitation de Tradition Française décrite dans le dossier de l’Unesco soit en mesure de renoncer, une fois pour toutes, à la plus grave de ses perversions innées, la culture de la compétition sportive ? Le massacre des innocents prédit par Oliveira pourrait bien, alors, ne pas avoir lieu.

Il ne s’agit pas, évidemment, d’exclure les pratiques sportives de l’équitation traditionnelle. Il ne s’agit que d’en écarter les déviations les plus flagrantes, c’est-à-dire celles qui se révèlent incompatibles avec l’éthique qui est censée inspirer la relation entre l’homme à son cheval.

Pour le reste, les principes énoncés dans la requête d’inscription, sous l’expresse réserve que leur mise en œuvre ne soit pas biaisée ou parasitée, sont de nature à conserver, à l’usage de la communauté en charge de l’Équitation de Tradition Française, une équitation que ni l’éthique, ni l’esthétique n’auraient à réprouver :

  • personne ne contestera l’impérative nécessité d’établir entre le cavalier et son cheval une relation harmonieuse basée sur l’authenticité et la sincérité ; tous les vrais cavaliers savent que cette relation pré-requiert une connaissance approfondie du cheval et de sa nature, ainsi que la maîtrise des règles de sa conduite ;
  • ces mêmes cavaliers ont pris conscience de la nécessité de posséder une culture équestre la plus large possible, de nature à leur faciliter l’accès aux travaux, expériences et relations écrites des grands maîtres du passé ;
  • la continuité des pratiques équestres dans le temps, depuis le 16ème siècle jusqu’à nos jours, ne peut être assurée que si la tradition des savoirs et des savoir-faire est organisée comme une transmission systématique, voire initiatique, d’une génération à l’autre ;
  • enfin, la pratique même de l’Équitation de Tradition Française dans le respect de ses principes et de son esprit tempère naturellement tous les excès qui pourraient surgir sous la forme de distorsions issues de la compétition sportive dévoyée.

On pourrait penser que cela va sans dire. Et pourtant, il vaut mieux le dire deux fois qu'une, tant est grande la tentation d’échapper aux règles de l’éthique pour répondre à des motivations bien moins louables.

C’est donc avec une grande rigueur qu'il s’agit d’affirmer les principes, de définir les contours d’une doctrine non ambigüe et de veiller à la conformité des pratiques aux règles de l’éthique et aux canons de l’esthétique.

Il ne s’agit pas de complexifier la tâche à l’infini. Seuls, les principes reconnus méritent la conservation. Seules, les pratiques agréées méritent la transmission. Seuls les cavaliers respectueux de ces principes et de ces pratiques méritent de figurer au rang des membres de la communauté qui a fait siens ces principes et ces pratiques.

 

II.- Organisation de la sauvegarde du patrimoine inscrit


À présent, alors que l’inscription au patrimoine culturel immatériel de l’Unesco de l’Équitation de Tradition Française a été requise par la France et décidée par l’Unesco, nous avons l’obligation absolue, dictée par la Convention, de faire vivre ce patrimoine, de le maintenir et de le conserver, d’assurer sa "viabilité effective". C’est l’engagement que nous avons pris, Il lie l’universalité de notre Communauté. Et, comme nous ne sommes pas — et ne voulons pas être en rupture de nos engagements, nous l’honorerons avec ponctualité, sincérité et fidélité.

1. Les contraintes conventionnelles de la "viabilité effective".

"On entend par ‘sauvegarde’ les mesures visant à assurer la viabilité du patrimoine culturel immatériel, y compris l’identification, la documentation, la recherche, la préservation, la protection, la promotion, la mise en valeur, la transmission, essentiellement par l’éducation formelle et non formelle, ainsi que la revitalisation des différents aspects de ce patrimoine".

Pour rester vivant, le patrimoine culturel immatériel doit être pertinent pour sa communauté, recréé en permanence et transmis d'une génération à l'autre.Le risque existe en effet que certains éléments du patrimoine culturel immatériel puissent s’altérer, voire mourir ou disparaître, faute de pratique ou de revitalisation.

Pour autant cependant, sauvegarder ne signifie pas figer le patrimoine culturel immatériel sous quelque forme "pure" ou "originelle" que ce soit, mais plutôt assurer sa transmission de génération en génération.

A. Documentation. Étude et recherche.

Parmi les mesures de sauvegarde énumérées dans la Convention,la recherche et la documentation sont probablement parmi les premières stratégies que les parties envisageront en vue de comprendre "ce qu'il y a", " qui le fait" et "pourquoi ils le font".

Les États peuvent souhaiter mettre en place des comités nationaux du patrimoine culturel immatériel chargé de coordonner ce travail et comprenant des institutions compétentes, des chercheurs et une représentation des communautés, ce qui facilitera également les interactions entre les membres des communautés et les chercheurs. C’est dans ce cadre qu'en France intervient le CFPCI (Centre Français du Patrimoine Culturel Immatériel).

Concrètement, la documentation consiste à enregistrer le patrimoine culturel immatériel, dans son état actuel, sous une forme matérielle et à collecter les documents qui s'y rapportent. La documentation suppose souvent l'utilisation de différents moyens et formats d'enregistrement et les documents recueillis sont souvent conservés dans des librairies, des archives ou des sites, où ils peuvent être consultés par les communautés concernées et le grand public.Toutefois, les communautés et les groupes ont également des formes traditionnelles de documentation, commeles livres et traités,qui constituent des enregistrements d’expressions et de connaissances du patrimoine culturel immatériel.

Cela étant, le travail de documentation relève d’une activité permanente à l’occasion de laquelle la documentation, les études et la recherche corrélatives, contribuent à l’élargissement des connaissances historiques, actuelles ou prospectives. C’est pourquoi, ce travail de documentation doit âtre organisé dans la durée, voire, dans la mesure du possible, institutionnalisé.

B. Préservation & Protection.

Une fois que la documentation est établie, on connaît les contours exacts de l’élément à sauvegarder :on a compris "ce qu'il y a", "qui le fait" et "pourquoi ils le font".

On sait, à partir de là, comment organiser la préservation de l’élément patrimonial et comment assurer la protection de son état actuel. On se doit dès lors de corriger toutes les dérives et anomalies qui apparaîtraient dans la mise en œuvre et dans les pratiques équestres. C’est le rôle d’un observatoire qui pourrait être institué ad hoc.

C. Transmission par l’éducation formelle et non formelle.

De l’inventaire patrimonial précédemment établi que faut-il ou que peut-on transmettre par la voie éducative?

La vraie question est celle de la pertinence du contenu que les rédacteurs du dossier de candidature ont donné au concept d’Équitation de Tradition Française.

Comme ce contenu est essentiellement flou, pour les raisons exposées infra, il est évidemment particulièrement difficile de déterminer ce qui doit être conservé au centre (ENE, instructeurs, sportifs de haut niveau) et ce qui mérite d’être diffusé à la périphérie (enseignants de terrain, clubs et cavaliers) :c’est au Cadre Noir qu'incombe la difficile (peut-être impossible) mission de faire passer le message de la qualité qu'il souhaite attacher indélébilement à l’Équitation de Tradition Française : la légèreté du cheval rassemblé de l’équitation savante ; la maniabilité dans la régularité des allures et sans la moindre trace de coercition du cheval de sport.

D. Promotion & Valorisation.

Il convient d'accorder une attention particulière aux évolutions rapides causées par des facteurs extérieurs et produisant des effets importants.

On assiste depuis quelques années déjà au renforcement, sur une tendance de fond, des contraintes économiques et financières sur l’équitation sportive. Il convient de récuser absolument cette tendance et d’en éradiquer les causes sans autre considération que l’éthique sportive.

Si, au contraire, les évolutions  trouvent leurs racines dans des éléments traditionnels du patrimoine culturel immatériel, même si elles peuvent n'être pas toujours considérées comme procédant d'une chaîne de développement ininterrompue, elles méritent un examen bienveillant approfondi.

E. Revitalisation.

Les inventaires doivent être mis à jour régulièrement,comme l'indique l'Article 12 de la Convention.Cette mise à jour est vitale, compte tenu du fait que le patrimoine culturel immatériel est en constante évolution et que les menaces affectant sa viabilité peuvent surgir très rapidement.

On ne peut toutefois imaginer la revitalisation de dérives constatées et jugées comme contraires à l’éthique.

2. Équitation  de tradition française : inclusions & exclusions.

Si l’on s’en tient strictement au dossier déposé par les autorités françaises aux fins de voir inscrire l’Équitation de Tradition Française sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité, force est de constater un certain nombre d’insuffisances criantes, dont certaines pourraient bien ne pas échapper à la qualification de manœuvre discutable.

L’Unesco n’y est pour rien, car elle n’est pas une organisation spécialisée dans l’expertise des doctrines ou méthodes équestres.

En revanche, la responsabilité morale et la crédibilité technique de ceux qui ont préparé le dossier d’inscription sont engagées. Et cela doit être rendu public.

Il y aurait donc lieu d’énoncer un certain nombre d’imperfections, d’inexactitudes et de manquements à la fidélité historique de ce dossier. La place manque ici pour le faire dans le détail. Je m’en tiendrai donc à deux points qui me semblent particulièrement importants.

A. sur l’appropriation du concept d’équitation de tradition française.

En 1976, Don Diogo de Bragance a publié aux éditions Odège, en France, la version française (traduction de l’écuyer bauchériste René Baccharach) de son livre intitulé L’équitation de tradition française. Le concept lui appartient par conséquent. Il est en tout cas fondé à en définir le contenu.

Son équitation,  pleine de tact, de naturel et de sensibilité, a été apprise et longuement perfectionnée auprès de son maître, Nuno Oliveira, (par ailleurs volontiers gratifié du titre d’apôtre de l’équitation française), dont il a été l’un des premiers élèves. Par la suite, il passera sa vie d’écuyer à pratiquer et approfondir son art dans une recherche quotidienne, à l’occasion de laquelle sa longue expérience et son esprit d'observation, ainsi que son immense culture équestre, lui permettront de présenter de façon complète, dans son ouvrage, les buts et les procédés de l'équitation française en une synthèse unique et désormais classique. Ce livre, complété et réédité en 2005 chez Belin, est incontestablement un texte de référence, à la gloire de l'équitation classique, dans laquelle le cheval, monté dans l'impulsion et la légèreté les plus grandes, déploie le maximum de son activité avec le minimum d'effort.

Pour Bragance, l’Équitation de Tradition Française, c’est, à l’exclusion de toute autre, l’équitation de haute école, celle qui a pour objectif principal de rassembler le cheval dans la légèreté.Il part de l’équitation des grands maîtres anciens et se positionne nettement sur l’axe La Broue – La Guérinière – Baucher – Beudant. Pour lui, Baucher est le continuateur logique de l’équitation des classiques versaillais. Sans rejeter l’équitation sportive, il la recadre correctement en la différenciant très nettement de l’équitation savante, tout comme l’avait fait L’Hotte : Aure pour l’équitation de la troupe ; Baucher pour l’équitation savante.

La confusion impardonnable qui apparaît à travers la rédaction de la candidature à l’inscription au patrimoine culturel immatériel est de faire croire que la "communauté rassemble de par le monde les cavaliers ayant choisi de respecter les principes énoncés par le général L’Hotte, véritable théoricien de l’équitation de tradition française… ". Certes on évoque La Guérinière parmi les ancêtres ; mais, à dessein, on se débrouille pour faire habilement l’impasse sur Baucher le maudit et ses préceptes équestres ; on opte délibérément pour une équitation tronquée de l’essentiel. Le procédé manque quelque peu de l’objectivité à laquelle on devrait pouvoir reconnaître une démarche non biaisée.

Si l’on se permet d’emprunter un concept existant et défini en son temps par son inventeur, s’approprier ce concept et en modifier délibérément le contenu n’est pas signe de grande honnêteté intellectuelle. Il convient toujours de rendre à César ce qui lui appartient ! À peine de se voir accuser, comme n’hésite pas à le faire un écuyer bauchériste actuel, de "hold-up culturel".

Clairement, l’Équitation de Tradition Française n’est pas seulement l’équitation uniformisée dans la nouvelle doctrine équestre de Lhotte. Même si elle n’est pas exclusive de cette dernière, elle doit inclure, au même titre, toute l’équitation de La Guérinière et de l’école classique, ainsi que toute celle de Baucher et de son école ; autrement dit, l’Équitation de Tradition Française doit inclure l’équitation savante.

B. Sur la prise de position ambigüe concernant la compétition équestre.

La rédaction du dossier soumis à l’Unesco met en avant le danger que représente le concept de compétition pour l’équitation : l’Équitation de Tradition Française, "c’est aussi une façon de s’affirmer face à la déviation potentiellement dangereuse d’une forme ‘d’uniformisation’ entraînée par les compétitions sportives et leurs réglementations. La seule logique de la compétition peut en effet conduire à réduire les cultures équestres à la seule mesure qui compte : la victoire, souvent ramenée à une mesure de temps ou de hauteur".

Si le dossier souligne bien la capacité réductrice de la compétition, il n’en prône pas moins "une doctrine universelle utilisable par tous et pour toutes les utilisations du cheval". La périphrase "toutes les utilisations du cheval" inclut obligatoirement l’utilisation sportive.

On accepte donc — et c’est justice — l’équitation sportive. Mais on affirme parallèlement la dangerosité de la compétition sportive et de ses règlementations. Le tout, en précisant que la préparation des compétiteurs de haut niveau relève spécifiquement des missions du Cadre Noir. Il y a là une cascade de contradictions, voire de duplicités, qu'il convient d’éclaircir dans l’intérêt de la communauté de l’ensemble des cavaliers de ce pays. Ces éclaircissements sont d’autant plus nécessaires qu'aux termes du dossier déposé à l’Unesco, s’affiche hautement une volonté de diffuser l’équitation de tradition française dans tous les "clubs" affiliés à la Fédération Française d’Equitation ou agréés par celle-ci.

Or on sait qu'à présent, tant l’E.N.E. que la F.F.E. relèvent du Ministère des Sports, dans lequel le concept d’activité physique et sportive prime de loin sur tous les aspects d’une équitation de bon aloi.

Personnellement, je n’ai aucun grief contre le saut d’obstacles à cheval. Je crois même qu'il s’agit-là d’une discipline importante dans l’éducation de tous les chevaux, y compris ceux de haute école. Je n’ai pas davantage de griefs contre l’utilisation du cheval d’extérieur : elle ne peut, dans la mesure où le respect de la monture est présent, qu'être bénéfique à l’équilibre psychique du cheval. Je peux même accepter, à la limite, que l’on mette quelques couples bien préparés à l’obstacle en compétition, histoire de les départager.

Mais on doit refuser absolument que la compétition devienne une fin en soi, avec toutes les immixtions nauséabondes auxquelles on assiste depuis que les nombreux groupes de pressions économico-financiers y ont pris place.

Il est extrêmement regrettable que les mêmes qui ont soumis l’idée de faire inscrire une équitation de tradition française sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité s’agitent à promouvoir, sous la houlette du ministère des Sports, de ses fonctionnaires et de ses féaux, une équitation dite sportive qui ne se nourrit plus que d’argent d’une part et de la crédulité des cavalier(e)s de base d’autre part. La dérive est là, jusqu’à la folie, observable par tous, sur tous les terrains de concours et de jeu, quelque soit le niveau des couples engagés.

La "viabilité effective" de l’équitation de tradition française passe par l’impérative correction de cette dérive essentielle. C’est le prix à payer pour que la communauté des cavaliers se réclamant de l’Équitation de Tradition Française puisse enfin retrouver la sérénité en son sein et abandonner les querelles stériles liées aux dérives induites de la compétition, en y insufflant la cohésion qui lui fait aujourd’hui encore cruellement défaut.

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III.- Détermination des priorités de l’action.

 

Le dossier de candidature présenté par la France à l’Unesco comporte la description suivante de l’Équitation de Tradition Française : "L’équitation de tradition française est un art de monter à cheval ayant comme caractéristique de mettre en relief une harmonie des relations entre l’homme et le cheval. Les principes et processus fondamentaux de l’éducation du cheval sont l’absence d’effets de force et de contraintes ainsi que des demandes harmonieuses de l’homme respectant le corps et l’humeur du cheval. La connaissance de l’animal (physiologie, psychologie et anatomie) et de la nature humaine (émotions et corps) est complétée par un état d’esprit alliant compétence et respect du cheval. La fluidité des mouvements et la flexibilité des articulations assurent que le cheval participe volontairement aux exercices.

"Bien que l’équitation de tradition française soit exercée dans toute la France et ailleurs, la communauté la plus connue est le Cadre Noir de Saumur, basé à l’École nationale d’équitation. Le dénominateur commun des cavaliers réside dans le souhait d’établir une relation étroite avec le cheval, dans le respect mutuel et visant à obtenir "la légèreté". La coopération entre générations est solide, empreinte de respect pour l’expérience des cavaliers plus anciens et riche de l’enthousiasme des plus jeunes. La région de Saumur est également le foyer des enseignants, des éleveurs, des artisans (selliers, bottiers), des services vétérinaires et des maréchaux ferrants. De fréquentes présentations publiques et des galas donnés par le Cadre Noir de Saumur contribuent à assurer la visibilité de l’équitation de tradition française"...

À partir de là, quelles priorités peut-on envisager de fixer après un indispensable tri ?

1. Etude de faisabilité

La question essentielle qui se pose est celle de la faisabilité de la mise en œuvre des moyens de maintenance et de conservation exigés par la "viabilité effective" du patrimoine inscrit : à qui incombe la garantie de cette viabilité et la mise en œuvre de l’ensemble des procédures de sauvegarde ?

La description délivrée par les rédacteurs de la requête d’inscription rend compte d’une équitation dont l’existence et la pratique courante ne sont pas réellement établies par les faits.

On doit donc évoquer ici, sans le moindre détour, le clivage qui marque l’équitation positive[1] par rapport à la représentation idéale présentée sous le concept générique d’Équitation de Tradition Française. Compte tenu de ce clivage factuel, il devient impératif, avant toute autre action de sauvegarde, de préciser par quelle méthode on peut engager les actions et, parmi les actions envisageables, quelles sont celles qui ont priorité sur les autres.

A. Choix et fixation des priorités

Indépendamment de la part descriptive qui concerne la technique équestre, le texte fait référence d’une part à la "communauté" rassemblée autour d’un "dénominateur commun [qui] réside dans le souhait d’établir une relation étroite avec le cheval, dans le respect mutuel et visant à obtenir "la légèreté" et, d’autre part, à "la coopération entre générations… empreinte de respect pour l’expérience des cavaliers plus anciens et riche de l’enthousiasme des plus jeunes".

On soulève de la sorte les deux problématiques prioritaires :

  • de la cohésion interne de la communauté rassemblée autour du concept clairement défini d’une Équitation de Tradition Française fondée sur le principe de légèreté ;
  • de la transmission des principes et pratiques de l’Équitation de Tradition Française aux générations successives par le biais de méthodes expérimentées par les écuyers anciens.

B. Méthodologie simple : QQOQCP

La cohésion communautaire présuppose l’existence de la communauté[2] concernée : il s’agit de définir son rôle, ses limites, sa pertinence, ainsi que l’environnement général dans lequel elle est appelée à se manifester. On débouchera de la sorte sur la nécessité de définir les contours du concept d’Équitation de Tradition Française.

QUI est concerné ? Quels sont les acteurs du système et quels pourraient en être les responsables, et avec quelles fonctions précises ?

Par QUEL ciment la communauté peut-elle relier entre eux ses diverses composantes ? Que font les acteurs de la communauté pour justifier leur appartenance ? Quelles opérations convient-il d’analyser et de réaliser pour faire fonctionner le système communautaire ?

, à quel endroit et dans quel milieu, les acteurs sont-ils appelés à faire fonctionner le système communautaire ? Dans quel environnement ?

QUAND la situation atteint-elle ses degrés de maturation ? À quel moment et pendant combien de temps est-elle susceptible d’atteindre son degré d’acuité maximale ? Est-elle quantifiable, même en termes de fréquence ou de durée ? Peut-on envisager d’en planifier l’exécution à divers stades ?

COMMENT et de quelle manière (procédures, instructions, modalités…) se déroule l’événement ? Avec quel type de moyens ?

POURQUOI convient-il d’entreprendre telle action ou respecter tel cheminement  pour traiter telle situation, remédier à telle carence, compléter telle insuffisance, ordonner telle décision… ?

COMBIEN cela coûte-t-il ? Et combien cela peut-il rapporter ? En termes de coût global ou de gain  global…  de temps, d’argent, de répercussions sociales ou économiques, de gain ou de perte de prestige… etc.

2. Propositions pour un plan d’action.

Le concept d’Équitation de Tradition Française est appelé à tenir le rôle d’un concept fédérateur. Cela signifie qu'il aura, in fine, les dimensions requises pour englober des pratiques équestres diversifiées.

Entre l’équitation savante, animée par ceux qui se réclament de l’école classique de La Guérinière et/ou de l’école moderne de Baucher d’une part et l’équitation sportive, animée par l’immense majorité de tous ceux qui se réclament de l’école militaire de d’Auvergne, d’Aure et Lhotte, d’autre part, il n’y a qu'une différence d’objectifs.

L’hypothèse fondamentale qui doit être mise en avant et que ce sont les buts poursuivis qui dictent la diversification des moyens mis en œuvre.

Si nous acceptons cette hypothèse comme un axiome, le modèle de l’Équitation de Tradition Française, bien que globalement en rupture avec ses origines, reste somme toute cohérent. En même temps, il nous impose la dichotomie du fait équestre, telle que Lhotte l’avait suggérée dans sa tentative d’uniformiser l’équitation française de son temps :

  • à l’équitation savante, s’appliquent les principes enseignés par la tradition, revue et corrigée, dans certaines applications, par ceux issus de l’approche de Baucher ; l’objectif principal demeure la légèreté, tant du cheval que du cavalier,  obtenue dans l’impulsion et dans la discrétion des aides ;
  • à l’équitation dite de campagne, d’où sont nées les applications sportives, suffisent des bases de dressage reposant sur la franchise du cheval, la régularité de ses allures et le développement de son perçant ; l’objectif principal demeure l’efficacité du couple, au nom de laquelle, toutefois, certaines dérives ne peuvent être entièrement exclues.

Si par conséquent, au sein d’un cercle de cavaliers d’obédiences diverses, nous sommes en mesure de fixer un ou plusieurs dénominateur(s) commun(s) et d’en faire un ciment enliant nos différences autour d’un ou plusieurs principe(s) fort(s), alors l’Équitation de Tradition Française devient un concept pertinent pour rendre compte d’un patrimoine commun.

À partir de là, quel plan d’actions immédiates est-il possible d’élaborer ? Et comment peut-on traduire en termes d’objectifs les impératifs de clarification des concepts jusqu’à en faire des outils communs pouvant servir pour fédérer ou, plus précisément, pour éviter les clivages sectaires ?

Nous nous en tenons au respect des deux priorités fixées plus haut : d’une part, l’affirmation de la cohésion communautaire et, d’autre part, l’organisation des modes de transmission du patrimoine.

A. Cerner le concept d’Équitation de Tradition Française.

Ce sera là l’objectif le plus difficile à atteindre, tant est multiple et diverse la perception d’une "vérité équestre" que toutes les chapelles réclament pour elles-mêmes.

On a vu comment et pourquoi l’inventeur et premier promoteur du concept d’Équitation de Tradition Française, Don Diogo de Bragance, n’entrevoit que la pratique de la haute école classique corrigée par la mise en œuvre des principes bauchériens. Exceptée la renonciation au principe de légèreté, rien de dirimant ne s’opposerait à l’élargissement du concept pour le faire coïncider avec la dichotomie lhottienne : équitation savante + équitation de campagne (devenue équitation sportive).

Le vrai danger serait de succomber aux démons de la permissivité en acceptant, au sein du concept, des éléments qui, manifestement, rabaisseraient l’Équitation de Tradition Française au rang des pratiques contraires à l’éthique, voire à l’esthétique.

Il convient donc, en définitive, de limiter l’usage du concept aux pratiques équestres compatibles avec les principes qui sont listés dans la requête originelle auprès de l’Unesco :

1° principe de l’harmonie des relations entre l’homme et le cheval, basées sur l’authenticité et la sincérité, mais aussi sur la maîtrise de la gestuelle et la connaissance approfondie du cheval ;

2° principe de l’importance du legs culturel constitué par la somme des travaux, expériences et relations écrites des grands maîtres du passé ;

3° principe de la transmission (non figée) de la tradition de génération en génération, assurant une continuité de l’héritage du 16ème siècle à nos jours ;

4° principe du refus de toute logique de compétition équestre sportive ou autre : parce qu'elle est bien plus qu'une simple activité physique ou sportive, l’Équitation de Tradition Française s’oppose à l’équitation de compétition.

L’énoncé de ces principes a conditionné, pour une grande part, la décision d’accueil de l’Équitation de Tradition Française au Patrimoine Culturel Immatériel de l’Humanité. Il est donc opportun de respecter aujourd’hui la logique qui présidait à cette inscription en 2011.

B. Définir les contours exacts de la communauté des cavaliers concernés.

Comme souvent dans l’organisation des groupes humains, il y a le centre et la périphérie.

Au centre de la communauté envisagée, se situe (devrait se situer) sans conteste le Cadre Noir fort de tous ses écuyers, le cas échéant augmentés d’un certain nombre d’écuyers extérieurs agrégés ou associés.

À la périphérie, sont tous les cavaliers, Français ou non, souscrivant sans réserve aux quatre principes énoncés sous A. ci-dessus.

La question cruciale est évidemment de savoir s’il faut ou non exclure les cavaliers de compétition. Pour trancher cette question, il convient de pousser l’analyse des conditions de la compétition équestre, moyennant quoi, on serait conduit inévitablement à envisager une redéfinition de l’organisation des compétitions équestres.

C. Fixer les modes de transmission du patrimoine.

Transmettre l’intégralité des éléments du patrimoine, sans figer celui-ci, aux générations futures est la première mission dévolue à la communauté tout entière.

Littéralement parlant, la tradition est l’acte par lequel la génération actuelle remet son patrimoine immatériel à la génération suivante.

Dans le langage courant, la tradition est aussi le contenu accumulé dans le temps d’usages, de pratiques, de coutumes, de rites et de principes. 

Lorsque les deux sens du mot tradition sont réunis, on parlera de transmission pour rendre compte du passage des éléments patrimoniaux d’un "usager" ou d’un "groupe d’usagers" à un autre "usager" ou à un autre "groupe d’usagers".

Cette précision sémantique étant acquise, que  faut-il transmettre ? Qu'est-ce qui mérite d’être transmis ? Par quels vecteurs, la tradition[3] peut-être s’opérer ?

En matière de savoirs, de savoir-faire équestres, la transmission s’opère de maître à disciple, d’enseignant à élève. Entendu par ailleurs que "les livres n’instruisent que ceux qui savent déjà" (Lhotte), l’apprentissage équestre est circonscrit dans cette relation initiatique entretenue entre celui qui est dépositaire du savoir ou du savoir-faire et celui qui s’apprête à les recueillir.

Toutefois, le meilleur des enseignants ne peut délivrer que les connaissances qu'il maîtrise. Sa propre formation est par conséquent ramenée au cœur de l’interrogation.

Et l’on ne peut dès lors éviter l’ensemble des questionnements inhérents au rôle et à la capacité professionnelle des enseignants équestres à tous les niveaux, tants élémentaires que supérieurs.

Concrètement, mais prioritairement, le problème de la formation professionnelle et de la formation continue des enseignants de la base doit alors être posé sans concession pour la bonne et simple raison qu'ils sont un maillon incontournable de la transmission de l’Équitation de Tradition Française aux générations nouvelles de cavaliers. "Il faudrait immerger nos élèves enseignants dans la pratique équestre, les mettre à cheval plus longtemps, plutôt que de les abreuver de discours! Comme exécutants, ils doivent maîtriser les fondamentaux avant de pouvoir les enseigner" (C. Carde).

Tout aussi concrètement, mais tout aussi prioritairement, on devrait déboucher logiquement sur une redéfinition des missions de formation des cavaliers, telles que la Fédération Française d’Équitation les conçoit dans son "plan de formation".

Clairement, la seule communauté des cavaliers d’ores et déjà conquis par le concept d’Équitation de Tradition Française n’est pas en mesure d’assurer la transmission patrimoniale de cette équitation sans le concours direct des institutions qui organisent les pratiques équestres des cavaliers de la périphérie.

Mais, tout aussi clairement, la permissivité ou le laxisme qui dominent aujourd’hui les pratiques équestres dans ces institutions ne peut toutefois trouver l’agrément de la communauté en charge du patrimoine de l’Équitation de Tradition Française.

Le dilemme ainsi posé constitue l’une des difficultés les plus ardues liées à la tâche de transmission intergénérationnelle des pratiques équestres agréées par la communauté réunie autour du concept d’Équitation de Tradition Française.

D. Structuration de l’animation permanente de la "viabilité effective".

Les Rencontres de l’Équitation de Tradition Française, annuellement programmées, ne semblent pas suffisantes. La mise en œuvre de la "viabilité effective" de l’Équitation de Tradition Française en tant que patrimoine culturel immatériel inscrit ne paraît envisageable qu'à travers le déploiement d’une structure permanente, en charge de faire vivre effectivement toutes les composantes du patrimoine inscrit, par l’exécution des missions suivantes (telles qu'elles sont énoncées dans l’engagement souscrit) :

1° identifier correctement les composantes du patrimoine et en parfaire la documentation ;

2° déterminer les axes de recherche prioritaires ;

3° organiser la promotion et la mise en valeur du patrimoine inscrit ;

4° en assurer la transmission par l’éducation formelle et non formelle ;

5° garantir sa revitalisation permanente.

Une telle structure, constituée sous la forme associative, dotée de ressources de fonctionnement qui restent à déterminer, rapidement opérationnelle, devrait être placée sous l’autorité directe de l’Écuyer en Chef du Cadre Noir,  entouré d’un représentant du Centre Français du Patrimoine Culturel Immatériel du Ministère de la Culture et d’un nombre à fixer (restreint ?) de personnes bénévolement impliquées dans le processus de sauvegarde et désireuses de contribuer activement à sa viabilité.

 

Conclusion(s).

 

L’inscription, en 2011, de l’Équitation de Tradition Française au patrimoine culturel immatériel de l’Humanité par décision du Comité intergouvernemental de l’Unesco exige à présent que la communauté qui se reconnaît dans les principes de cette équitation fasse vivre les résultats, étende la pratique, partage les avantages, laisse éclater la pertinence de l’inscription, bref anime et fasse  vivre effectivement toutes les composantes du patrimoine en les identifiant correctement, en améliorant leur documentation, en déterminant les axes de recherche prioritaires, en organisant leur promotion et leur mise en valeur, en assurant leur transmission par l’éducation formelle et non formelle, enfin en garantissant leur revitalisation permanente.

Cette inscription de l’Équitation de Tradition Française sur la Liste Représentative du patrimoine culturel immatériel voudrait être, en dépit de toutes les imperfections du dossier, un hommage à l’Histoire de notre équitation. Le cheminement du dossier, qui était, à l’origine une demande de reconnaissance du Cadre Noir et de sa position exclusive dans l’organisation équestre française, est intéressant. Car, très logiquement, on est passé à l’analyse des principes de l’équitation française plutôt que de se cantonner à la glorification de l’une de ses structures, aussi glorieuse fût-elle.

Ce qui est en revanche regrettable dans l’affaire, c’est que l’on ait tenté de tronquer la tradition équestre française en la faisant naître à partir des écrits posthumes du général L’Hotte et en effaçant de la sorte l’essentiel de tout ce qui précédait l’uniformisation lhottienne.

L’introduction de cette dichotomie est en fait révélatrice de deux degrés différents de l’équitation, ainsi que le soulignait Gerhardt : "ce ne sera qu’après avoir obtenu cette franchise indispensable dans le mouvement en avant, ce perçant, que l’on commencera le dressage proprement dit". Autrement dit, le dressage du cheval commencerait dans cette perspective, après son débourrage, par un premier stade d’éducation qui conduirait à le mettre franchement sur la main, en confiance, et à lui enseigner la régularité des allures ; cependant qu’au second stade, sans d’ailleurs que les deux étapes puissent être nettement délimitées, on s’attacherait à l’obtention d’une soumission totale aux aides dans l’équilibre et l’harmonie du couple, en privilégiant les recherches du calme, de l’impulsion dans le mouvement en avant et de la rectitude. Parvenu à ce stade, le cheval serait prêt pour l’équitation sportive. Au-delà, se situerait le dressage à l’équitation supérieure, à l’occasion duquel la science et l’art de l’écuyer seraient orientés vers la recherche de la légèreté et l’exploitation optimale de toutes les qualités naturelles du cheval : les principes d’éducation resteraient les mêmes, les procédés d’application varieraient en fonction de la compétence du dresseur et de la conformation physique et psychique du cheval.

Pourquoi ce qui pouvait ne pas être faux du temps de Lhotte, voire de Gerhardt est-il, de nos jours, devenu aberrant ?

Personne, aujourd’hui, ne songerait plus à reconnaître ce raisonnement fondé sur la poursuite de l’éducation du cheval, au-delà d’une étape de première capacité sportive, vers l’équitation savante ? Tout simplement parce que la première étape, dite sportive, est à ce point déviée de son vrai objectif qu'elle est totalement inappropriée pour recevoir un étage supplémentaire sous forme d’éducation supérieure. Dans les conditions actuelles de pratique  des  sports équestres, même la longévité du cheval est compromise en raison de sa surexploitation à l’occasion des pratiques de compétition équestre.

Il s’en suit que la juxtaposition de l’éducation sportive de compétition et de l’éducation de haute école à l’intérieur d’un concept fédérateur tel que "l’équitation de tradition française" relèvera d’une utopie improductive aussi longtemps que les dérives issues de la compétition sportive n’auront pas été corrigées. Tel est le diagnostic.

Il diffère évidemment fondamentalement de l’idée d’une communauté de cavaliers qui partageraient une vision uniforme de la pratique équestre. Cette communauté, non pas réduite au seul Cadre Noir (comme suggéré dans la première demande d’inscription à l’Unesco), mais étendue pour le moins à une majorité des cavaliers de ce pays, est tellement diverse qu'elle va de la recherche de la tradition pure remontant au 16ème siècle à la négation de toute tradition française en matière d’équitation. Vaste éventail d’élucubrations équestres de toutes sortes…

Dans la monstrueuse pagaille équestre française, où la doctrine est un capharnaüm fourre-tout, où les repères sont intercontinentaux, où les maîtres sont gourous, où les enseignements sont éclectiques, où les disciplines sont multiples, il est absolument vain de prêcher l’unité et totalement illusoire d’imaginer convaincre la masse des cavaliers de la vanité des dispersions et de la barbarie des pratiques applaudies par la foule en liesse.

Quelques-uns ont conscience des dérives. Quelques-uns sont disposés à se remettre en question. Quelques-uns ont opté pour le chemin de la difficulté. Beaucoup sont sortis du système et "bidouillent" à domicile. Mais, si nous devons poursuivre dans la voie actuelle, bien avant que cette minorité devienne majorité, l’équitation sera morte, sacrifiée aux démons de l’imperfection, du nivellement par le bas et de la vénalité. Elle sera, hélas, devenue l’abomination équestre française.

Rien de réjouissant dans cette perspective. Pas même pour les chantres enflammés d’une soi-disant "équitation de tradition française" !

Passé ce cap du pessimisme absolu, induit par la réalité actuelle de la pratique équestre positive, que devrait-on cependant pouvoir escompter d’une animation véritablement efficiente de la "viabilité effective" de l’Équitation de Tradition Française conçue dans le cadre d’une application rigoureuse des quatre principes qui ont été énoncés dans la requête d’inscription de 2011 ?

Tout d’abord, un écho largement bénéfique de la recherche d’harmonie dans la relation du cavalier à son cheval : l’application de ce principe a été efficacement initié par la mouvance des cavaliers comportementalistes, préoccupés par l’observation de l’équidé dans son milieu naturel, mais tout autant par la sincérité et l’authenticité de la relation établie avec l’animal domestiqué, qui n’exclut pas une attention particulière portée sur la justesse des gestuelles du cavalier. Ce principe d’harmonie est évidemment plus étendu dans le potentiel de ses applications : il conviendra d’explorer l’ensemble de son champ d’influence.

Même si, mis à part les éléments d’hippologie générale abordés à l’occasion de l’accomplissement du plan de formation prôné par la F.F.E., la culture de leur tradition fait défaut à l’immense majorité des pratiquants équestres, il n’est pas interdit de penser qu'à l’occasion d’une évolution des systèmes d’enseignement comportant une révision des contenus didactiques, on ne puisse, du moins partiellement, convaincre de la nécessité de prendre connaissance de l’œuvre des grands maîtres du passé. Il serait évidemment souhaitable que toutes les incitations allant dans ce sens soient le fait des enseignants de proximité, lesquels doivent par conséquent recevoir eux-mêmes une formation idoine.

C’est encore du côté des enseignants et des programmes de formation à l’accès de leur profession que se joue l’essentiel des enjeux de la transmission de la tradition. La communauté, en tant qu'elle est représentative des pratiques équestres conformes aux principes de l’Équitation de Tradition Française est, elle aussi, dans toutes ses composantes, tant au centre qu'à la périphérie, pleinement et directement responsable de la transmission intergénérationnelle. Sans doute, conviendra-t-il de mettre en place les structures adéquates qui auront les transferts patrimoniaux pour mission spécifique. Mais il faudra bien, auparavant encore, définir très précisément le contenu de l’héritage et du patrimoine à transmettre.

Enfin —  in cauda venenum —, le sort de la compétition équestre devra être impérativement réglé dans le sens de l’exclusion prônée par la requête à l’inscription de 2001 ; à peine de renier toute crédibilité de tous ceux qui se sont engagés dans ladite requête. Et ce sera bien là le vrai nœud de tous les problèmes.

C’est pourquoi, il est essentiel que, dans l’immédiat, nous nous en tenions fidèlement à la description que nous avons faite de l’Équitation de Tradition Française dans la requête d’inscription que nous avons déposée devant le Comité Intergouvernemental de l’Unesco pour l’inscription sur la Liste Représentative du Patrimoine Culturel Immatériel de l’Humanité : "L’équitation de tradition française est un art de monter à cheval ayant comme caractéristique de mettre en relief une harmonie des relations entre l’homme et le cheval. Les principes et processus fondamentaux de l’éducation du cheval sont l’absence d’effets de force et de contraintes ainsi que des demandes harmonieuses de l’homme respectant le corps et l’humeur du cheval. La connaissance de l’animal (physiologie, psychologie et anatomie) et de la nature humaine (émotions et corps) est complétée par un état d’esprit alliant compétence et respect du cheval. La fluidité des mouvements et la flexibilité des articulations assurent que le cheval participe volontairement aux exercices. Bien que l’équitation de tradition française soit exercée dans toute la France et ailleurs, la communauté la plus connue est le Cadre Noir de Saumur, basé à l’École nationale d’équitation. Le dénominateur commun des cavaliers réside dans le souhait d’établir une relation étroite avec le cheval, dans le respect mutuel et visant à obtenir « la légèreté ». La coopération entre générations est solide, empreinte de respect pour l’expérience des cavaliers plus anciens et riche de l’enthousiasme des plus jeunes. La région de Saumur est également le foyer des enseignants, des éleveurs, des artisans (selliers, bottiers), des services vétérinaires et des maréchaux ferrants. De fréquentes présentations publiques et des galas donnés par le Cadre Noir de Saumur contribuent à assurer la visibilité de l’équitation de tradition française"...



[1] J’entends ici par équitation positive celle que je suis en mesure d’observer à l’occasion de la pratique quotidienne mise en œuvre dans les établissements équestres chargés de l’enseignement courant : le positivisme se contente d’une description objectivable et brute de toute appréciation d’ordre qualitatif ; par opposition à ce que nous pourrions désigner comme une équitation prescriptive ou normative, rendant compte de pratiques équestres idéales telles que nous aimerions qu'elles fussent. Il s’agit ici d’un très vieux débat épistémologique entre les défenseurs d’une approche dénuée de toute étude de valeur et ceux qui, au contraire, incluent toujours un maximum de conditions environnementales, notamment spatio-temporelles dans leurs analyses.

[2] L’existence de la communauté dont s’agit ne saurait être mise en cause dès lors que de nombreux écuyers, tant en France qu'à l’Étranger, n’hésitent pas à se ranger sous la bannière de la Tradition Française. C’est, par exemple, le cas pour Nuno Oliveira au Portugal, pour lui-même et tous les élèves relevant de la mouvance qu'il a créée. Mais c’est vrai aussi pour l’École Espagnole de Vienne, en Autriche, qui se réclame de l’équitation classique codifiée dès le 18ème siècle par La Guérinière. D’une certaine manière, c’est même vrai pour l’École Classique allemande telle qu'elle perdure de Seeger (élève de l’équitation viennoise par Weyrother) et Steinbrecht jusqu’à Neindorff.

[3] Le mot tradition signifie littéralement, par lui-même "transmission" ; par son étymologie-même, tradition découle du verbe latin tradere, qui contient trans (à travers) et dare (donner)  qui signifie porter de l’un vers l’autre (lieu, personne, temps…), faire passer vers un autre, remettre à un autre…

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