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EQUITATION ESSENTIELLE
12 novembre 2014

EQUITATION DE TRADITION FRANÇAISE : LA COMMUNAUTÉ REPRESENTATIVE

EQUITATION DE TRADITION FRANÇAISE
WP 6 -- 13/11/2014

 

 

 

"VIABILITÉ EFFECTIVE"
DE L'ÉQUITATION DE TRADITION FRANÇAISE

COMMUNAUTE REPRESENTATIVE DU PATRIMOINE

 

 

 

III.- LA COMMUNAUTÉ RECONNAISSANT COMME SIENNE L'ÉQUITATION DE TRADITION FRANÇAISE

 

1. Les aspects juridiques et sociologiques du cadre communautaire

 En droit français, une communauté est un groupe informel de personnes possédant et jouissant en commun d'un patrimoine indivis. Est informelle, toute structure sociale qui ne serait pas fondée sur l'existence d'une convention écrite sous la forme d'un pacte social  ou de statuts auxquels les membres auraient volontairement souscrit. Ainsi l'association issue de l'application de la loi du 1 juillet 1901 ne saurait-elle être confondue avec une communauté, même si ses membres disposent d'intérêts communs et poursuivent des buts identiques. De même pour la société commerciale ou civile...

 Récemment, le terme de communauté a été employé également pour désigner un groupe virtuel, plus ou moins formalisé, plus ou moins hétéroclite, que l'on pourrait différencier en groupes de partage ou en groupes d'intérêt, selon les buts poursuivis, mais qui, toujours, fonctionnent autour d'un commun centre d'activité représentant leur patrimoine.

 Le concept communautaire est particulièrement prospère dans les domaines de la sociologie. On s'en sert fréquemment pour cerner des « mouvances » aux contours imprécis : "une communauté ne se limite pas aux personnes qui en font partie. Une communauté existait généralement déjà avant que l'ensemble de ses résidents ne soient nés, et il est probable qu'elle survivra au-delà de la disparition de tous ceux qui aujourd'hui s'y trouvent. C'est quelque chose qui dépasse les éléments qui la composent, ses résidents ou les membres de la communauté" (Bartle, cec.vcn.bc.ca/cmp/[1]).

 Mais, en tant que concept essentiellement sociologique, la communauté a des frontières floues, à l'intérieur desquelles s'exerce un jeu d'interactions, se déroulent un ensemble de comportements humains qui ont un sens, se développent des expectatives, des quêtes et des espérances. La communauté n'est donc pas simplement caractérisée par des actions à sens indéfini, mais plus spécialement par des actions fondées sur des attentes, des valeurs et des croyances : d'où l'on peut affirmer que le sens de l'action est partagé par tous les membres de la communauté.

 De surcroît, Il peut y avoir des (sous)communautés à l'intérieur de communautés plus larges. La différenciation se fera par l'émergence de critères distinctifs spécifiques. C'est ainsi que la Communauté formée par les adeptes de l'Équitation de Tradition Française peut contenir en son sein une (sous)communauté des adeptes de l'équitation académique classique et une autre regroupant les adeptes de l'équitation savante d'inspiration bauchérienne ou encore des adeptes de l'équitation sportive, etc.

Enfin, une communauté est aussi une organisation, au sens que les anglo-saxons donnent à ce terme. Cela signifie qu'elle est une entité économique et socio-culturelle, avec une structure plus ou moins définie, une stratégie plus ou moins affirmée, des performances plus ou moins évidentes et des dimensions multiples.

 Par essence, une communauté peut donc être le recueil d'une certaine diversité autour d'une unité affirmée en façade. Pour autant, il n'en reste pas moins primordial de bien définir et cadrer les critères d'appartenance.

 

2. Quelle communauté pour l'Équitation de Tradition Française ?

 Dans la requête d'inscription de l'Équitation de Tradition Française au PCI, la Communauté est présentée comme suit :

 "La communauté rassemble de par le monde les cavaliers ayant choisi de respecter les principes énoncés par le général  l'Hotte, véritable théoricien de l'équitation de tradition française qui publia son ouvrage de référence « Questions équestres » à la fin du XIXème siècle. Cette « règle » conduit des cavaliers d'horizons fort différents à partager une même discipline pour tenter de parvenir à un même objectif dans leur relation avec leur monture.

 "Certes, la communauté la plus visible et la plus « médiatisée » reste le Cadre Noir de Saumur dont le rôle de dispensateur des connaissances nécessaires à cette pratique et de démonstrateur est bien connu. Ecole de formation pour des enseignants français mais aussi étrangers, il rayonne universellement et exporte non seulement sa doctrine mais aussi ses pratiques grâce aux galas et aux stages qu'il propose partout dans le monde où l'équitation est pratiquée.

 "Son influence s'étend et persiste ainsi par l'intermédiaire de ses anciens élèves qui constituent une sorte de réseau. La pluralité des disciplines enseignées, les résultats au plus haut niveau de compétition de ses écuyers et la richesse des expériences cumulées en font un ambassadeur naturel de l'équitation de tradition française, sans prétendre pour autant à l'exclusivité.

 "Aux écuyers en activité à l'Ecole Nationale d'Equitation (ENE) où est établi le Cadre Noir, s'ajoutent les anciens écuyers qui, très souvent, poursuivent leurs activités d'enseignement dans d'autres cadres ou assument des responsabilités dans l'organisation des sports équestres, en France comme dans les nombreux autres pays qui les sollicitent.

 "Le spectre des cavaliers attirés par cette démarche se révèle donc fort large et se complète utilement par des amateurs, des "meneurs"(cavalier d'attelage), des jockeys, bref, une communauté dont le dénominateur commun réside dans le désir d'établir une relation presque idéale avec le cheval, sans violence (ce qui exclut l'emploi systématique de moyens de contention tels que les enrênements), dans le respect mutuel et visant à obtenir la légèreté".

Cette rédaction est, pour le moins, aventureuse à plus d'un titre. :

 

A. L'équitation militaire et ses avatars sportifs

 D'abord, parce que "les cavaliers ayant choisi de respecter les principes énoncés par le général  l'Hotte" ne sont autres que les héritiers de l'équitation militaire du XIXème siècle, dans laquelle une grande partie de cavaliers français ne se reconnaîtront pas, et cela pour notamment deux raisons objectives :

1° parce que l'équitation ainsi glorifiée est, par volonté délibérée du général L'Hotte, l'équitation de troupe, opposée à l'équitation savante qu'il pratiquait lui-même en s'enfermant au manège et en s'inspirant de la méthode de son maître Baucher. Il faut déduire de ce premier ajout aventureux que l'Equitation de Tradition Française, ce n'est pas seulement l'équitation de l'écuyer d'Aure, imposée par le truchement de L'Hotte, mais c'est aussi l'équitation de l'écuyer Baucher (quelle que soit la discussion que l'on peut alors engager sur la succession des manières de Baucher...).

 2° parce que, contrairement à ce qui est péremptoirement affirmé dans le dossier de candidature déposé, le général L'Hotte n'est pas "le véritable théoricien de l'Equitation de Tradition Française". Il ignorait en effet totalement ce concept. Mais rendons à César ce qui est à César : la paternité que le général L'Hotte est en droit de revendiquer est quelque peu différente ; c'est celle d'une tentative (au demeurant avortée) d'uniformisation de la doctrine équestre française, dans une espèce de jugement de Salomon qui témoigne certes de sa grande soumission à la hiérarchie de son arme, mais n'a certainement pas contribué à clarifier le concept d'équitation française. J'ai détaillé cet aspect historique dans un article récent sur Face-Book intitulé "Le gladiateur et l'écuyer" (7octobre 2014). Le grand mérite de L'Hotte est de se trouver à l'origine d'un concept essentiel selon lequel l'équitation est une, quelles que soient les divergences d'école. À partir de là, ce sont les buts poursuivis qui provoqueraient et dicteraient la diversification des moyens mis en œuvre. Il en arrive ainsi, tout logiquement, à attribuer les rôles :

- à l'équitation savante, s'appliquent les principes enseignés par la tradition, de La Broue à Baucher, en passant par La Guérinière et l'École de Versailles, selon lesquels l'objectif principal demeure la légèreté, tant du cheval que du cavalier, obtenue dans l'impulsion et dans la discrétion des aides ;

- à l'équitation militaire dite de campagne, d'où naîtront, à l'époque même de la disparition de L'Hotte (début du XXème siècle), les applications sportives, suffisent des bases de dressage reposant sur la franchise du cheval, la régularité de ses allures et le développement de son perçant, suivant lesquels  l'objectif principal demeure l'efficacité du couple (au nom de laquelle certaines dérives ne peuvent être exclues).

3° Les rédacteurs du projet d'inscription avaient pleinement conscience de la difficulté qui consistait à intégrer l'équitation sportive dans le concept d'Équitation de Tradition Française. C'est bien pour cette raison qu'ils ont évoqué, parmi les quatre principes inspirant cette équitation, celui du refus de toute logique de compétition équestre ou autre : "c'est aussi une façon de s'affirmer face à la déviation potentiellement dangereuse d'une forme 'd'uniformisation' entraînée par les compétitions sportives et leurs règlementations"...

La question légitime que l'ensemble des membres de la Communauté soutenant l'Equitation de Tradition Française sont dès lors en droit de se poser est la suivante : pourquoi, en les engageant vers une équitation dépourvue de ses attributs de légèreté et en prônant simultanément une désengagement par rapport aux abus de l'équitation sportive, tente-t-on de les enfermer dans une équitation amputée de l'essentiel ?

 

B. Le leadership du Cadre Noir

En l'absence de toute autre structure représentative, le rôle prépondérant du Cadre Noir de Saumur dans la conservation de la tradition équestre française n'est pas contesté et serait d'ailleurs difficilement contestable.

On notera toutefois le tempérament apporté dans la rédaction de la candidature : "... la richesse des expériences cumulées en font un ambassadeur naturel de l'équitation de tradition française, sans prétendre pour autant à l'exclusivité".

Tout en revendiquant, à mon avis légitimement, le rôle de leadership, l'institution de l'E.N.E., aujourd'hui retournée à la vie civile, ouvre la porte à d'autres représentativités de l'Équitation de Tradition Française. Cela est une ouverture d'autant plus méritoire des frontières de la Communauté quelque peu restreinte imaginée au départ du projet d'inscription au PCI que les rédacteurs ajoutent : "Le spectre des cavaliers attirés par cette démarche se révèle donc fort large et se complète utilement par des amateurs, des "meneurs"(cavalier d'attelage), des jockeys, bref, une communauté dont le dénominateur commun réside dans le désir d'établir une relation presque idéale avec le cheval, sans violence (ce qui exclut l'emploi systématique de moyens de contention tels que les enrênements), dans le respect mutuel et visant à obtenir la légèreté"

Il y a là certes une tentative de définition de la Communauté des individus qui se réclament de l'Équitation de Tradition Française. Est-ce la bonne ? On peut en douter, on doit même en douter, tant est généreux le vœu d'œcuménisme aussi absolu qu'angélique. Il suffirait donc d'avoir le "désir d'établir une relation presque idéale avec le cheval" pour pouvoir se réclamer de la Communauté ! La faiblesse de cette prise de position réside, quant à elle, dans le fait que les cavaliers qui clameraient que leur désir serait de faire violence au cheval qu'ils s'apprêtent à employer n'existent pas (je n'en ai jamais rencontrés qui revendiquent cette violence, et cependant...j'ai rencontré la violence !, même si, évidemment, je fais abstraction des comportements pendant la phase des premiers apprentissages. Et où l'ai-je surtout entrevue, cette violence, larvée ou explicitée ? Avant tout, dans l'arène sportive, chez les cavaliers qui placent le résultat de la compétition avant toute autre considération. Il est inutile de s'étendre ici sur ce sujet, car nous y reviendrons obligatoirement ci-après.

 

C. La cohésion sociale de la communauté

Une communauté est d'abord un système culturel multidimensionnel. Pour autant, elle n'est pas obligatoirement monolithique en formant une unité harmonieuse. Elle est, bien au contraire, presque toujours le siège de multiples factions, luttes et conflits, nés sur la base des différences de genre, de religion, d'accès à l'information, d'ethnie, de niveau d'éducation, de revenus, de capital possédé, de langue et de bien d'autres facteurs encore, tels que le niveau d'équitation, le talent artistique, l'ambition professionnelle, le caractère individuel des participants, le niveau de dressage des chevaux, etc...

Et, cependant, ce système hétéroclite est réuni autour de la perception convergente d'une même réalité observable. Cela signifie que le principal facteur de cohésion interne d'une communauté, c'est incontestablement la clarté du message socioculturel qui soude ses membres autour d'un patrimoine commun.

C'est pour cette raison que, dans le cas qui nous occupe, il a fallu préalablement définir le concept d'Équitation de Tradition Française comme un concept fédérateur qui contient en lui-même toutes les dimensions culturelles de l'entité  qui s'en réclame.

Ces dimensions culturelles, qui imprègnent tout et dont chacune est transmise par des symboles (et non par des gènes d'un individu à l'autre) et consiste en des systèmes d'idées et de croyances acquises,  sont au nombre de six (6) et permettent de construire un canevas de réflexion détaillé.

 

1. "Véritable interface entre l'humanité et la nature", la dimension technologique de la culture comprend son capital réel (et non financier), ses outils, ses aptitudes et connaissances, et les formes de son rapport avec l'environnement physique :

Le capital réel : par exemple, l'ensemble des établissements équestres dans lesquels sont enseignés les principes de l'Équitation de Tradition Française.

Les outils : par exemple, le jargon propre au monde du cheval.

Les aptitudes et connaissances : par exemple, les savoir-faire spécifiques des écuyers anciens ou actuels.

 

2. La dimension économique de la culture correspond à ses divers formes et moyens de production et d'allocation de biens et de services utiles et limités (richesse), que ce soit par le biais de don, d'obligations, de troc, de commerce ou de subventions de l'Etat :

Les moyens de production : par exemple, les prestations de services marchands nées à l'occasion de l'exercice des diverses activités.

Les subventions : par exemple, l'ensemble des allocations de ressources organisées par les pouvoirs publics.

 

3. La dimension politique de la culture réunit ses différentes formes et moyens de distribution du pouvoir, de l'influence et de la prise de décision. Ce n'est pas la même chose que l'idéologie, qui appartient à la dimension des valeurs (idées partagées sur ce qui est bon et mauvais). Elle comprend, mais ne se limite pas aux types de gouvernement et systèmes de gestion. C'est aussi comment de petits groupes de personnes peuvent prendre des décisions en l'absence de ou contre un leader reconnu.

Distribution du pouvoir : par exemple, organisation des influences, éventuellement lobbyings, au sein de la communauté.

Prises de décisions : définition du leadership central et des décideurs périphériques.

 

4. La dimension institutionnelle ou sociale de la culture comprend la manière des gens d'agir et d'interagir entre eux, de réagir, et comment ils s'attendent que les autres agissent et interagissent. Cela inclut des institutions telles que les alliances interindividuelles ou l'amitié, des rôles tels que celui chef local ou du représentant local de l'autorité centrale, les statuts individuels ou collectifs, les es sociales et tous les autres patrons du comportement humain :

Action & interaction entre les individus : par exemple, l'analyse de leurs relations, leurs attentes et expectatives, leurs suppositions et leurs jugements, leurs prédictions, leurs réponses, etc...

Les rôles et leurs interactions : répartition des rôles et des fonctions au sein de la communauté ; niveau de complexité organisationnelle...

 

5. La dimension de valeur esthétique de la communauté est une structure d'idées, parfois paradoxales, inconsistantes, ou contradictoires, que les gens ont du bon et du mauvais, du beau et du laid, du vrai et du faux, du bien et du mal, et qui sont les justifications citées par eux pour expliquer leurs actions :

La structure des idées est le résultat de la socialisation intra-communautaire : dès l'origine de l'appartenance, cette structure est acculturée ; elle conditionnera toujours toutes les prises de position et tous les jugements de valeur.

Seuls, l'éclatement partiel ou l'agrandissement inconsidéré de la communauté peuvent fondamentalement perturber cette dimension.

 

6. La dimension concept-croyance de la culture (vision du monde) est une autre structure d'idées, parfois aussi contradictoires, que les gens ont de la nature de l'univers, du monde qui les entoure, du rôle qu'ils ont à y jouer, des causes et des effets, et de la nature du temps, de la matière et du comportement :

C'est l'ensemble de la "Weltanschauung" communautaire : c'est donc la synthèse des idéologies concernant, par exemple, l'emploi du cheval, la manière de l'approcher, la manière de le conduire, etc...

 

Au total, c'est donc bien à partir de la solidité du message socioculturel contenant une invitation à faire bloc autour du patrimoine commun de l'Équitation de Tradition Française que se forge la cohésion communautaire.

 

D. Les dangers de la dislocation communautaire

Les risques de fissuration de la cohésion sont cependant nombreux. D'où il ressort qu'un certain œcuménisme dans la détermination des composantes communautaires est préférable à tout sectarisme.

Jusqu'où peut aller le souci œcuménique sans provoquer de fracture à l'intérieur de la communauté ? C'est sans aucun doute la plus grande incertitude ; elle est liée à l'individualisme des composantes, lequel est très fort en matière de pratique équestre.

En prenant encore l'exemple du sport équestre, on conviendra que rejeter toute pratique équestre sportive serait de la sorte un facteur de dislocation immédiate. Si. l'on introduit dans la décision d'accueillir les pratiques sportives, le concept de compétition, l'aménagement des conditions éthiques de cette introduction en sera fortement facilitée

On a de la sorte, presque toujours, dans l'esprit communautaire, avantage à recourir aux vertus de la médiane. À la condition expresse cependant de n'autoriser aucun reniement des principes qui fondent la communauté.

 

3. Economie sociologique de la Communauté de l'Équitation de Tradition Française

Le Comité intergouvernemental qui a décidé l'inscription de l'Équitation de Tradition Française sur la Liste Représentative du Patrimoine Culturel Immatériel de l'Humanité précise dans sa décision :

"Bien que l'équitation de tradition française soit exercée dans toute la France et ailleurs, la communauté la plus connue est le Cadre Noir de Saumur, basé à l'École nationale d'équitation. Le dénominateur commun des cavaliers réside dans le souhait d'établir une relation étroite avec le cheval, dans le respect mutuel et visant à obtenir "la légèreté". La coopération entre générations est solide, empreinte de respect pour l'expérience des cavaliers plus anciens et riche de l'enthousiasme des plus jeunes..."

Mais l'Organe subsidiaire chargée de l'instruction du dossier présenté par la France ouvre au Comité intergouvernemental l'option de refus en décidant "en outre que l'information fournie dans le dossier de candidature n'est pas suffisante pour permettre au Comité de déterminer si les critères R1 et R3 pour l'inscription sur la liste représentative sont satisfaits".

De quoi s'agit-il ?

Pour la satisfaction au critère R1, le Comité indique finalement que "l'équitation de tradition française allie connaissances et compétences équestres ; transmises de génération en génération, elles sont reconnues par la communauté des cavaliers comme faisant partie de son patrimoine culturel". L'Organe subsidiaire avait exprimé ses réserves en ouvrant l'option suivante : "Bien que l'équitation de tradition française ait une longue histoire, de plus amples informations sont nécessaires sur ses fonctions sociales actuelles au sein de la communauté qui la pratique et sur son mode de transmission".

Pour la satisfaction au critère R3, le Comité indique que "les mesures en vigueur et celles envisagées pour assurer la sauvegarde de l'équitation française incluent des recherches scientifiques, des galas et des manifestations publiques, des tournées mondiales du Cadre Noir ainsi que la sensibilisation". Cependant que la rédaction optionnelle proposée par l'Organe subsidiaire précisait : "De plus amples informations sont nécessaires pour démontrer que l'objectif principal des mesures proposées est la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel au sens de la Convention, plutôt que la promotion d'une pratique sportive française".

Dans son compte-rendu officiel de la sixième session du Comité intergouvernemental pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, Laurella RINCON, conservateur du patrimoine près le Ministère français de la Culture rapporte :

"La rédaction du dossier de candidature de l'équitation de tradition française a desservi cette candidature dans la mesure où l'information qu''il contenait était mal répartie et ne répondait pas exactement dans les différents paragraphes aux questions posées par le formulaire. Par exemple la communauté était définie dans d'autres parties du formulaire que celle attendue. Parmi les problèmes relevés par l'examen du dossier, celui entre la différenciation entre la pratique culturelle et la pratique strictement sportive donnant lieu à des compétitions a rendu perplexe (!) le comité. Des interrogations ont également porté sur l'élitisme et le professionnalisme de la pratique et des praticiens et sur la définition de sa fonction sociale, jugée pas suffisamment apparente dans le dossier.

"Nous nous sommes rendus compte que le dossier ne suscitait pas l'enthousiasme de la majorité des membres du comité, bien au-delà des avis exprimés officiellement. Nous avons dû répondre à de nombreuses questions de plusieurs membres du comité avant que le dossier ne soit débattu en séance. Nous avons sollicité certains membres du comité pour préparer cet argumentaire qui a donc été soumis à l'expertise de Riek Smeets et à celle de Pierre Bois. Il faut noter que le délégué des Émirats Arabes Unis a largement usé de son influence sur plusieurs délégations pour neutraliser (Venezuela) ou rallier (Paraguay, Croatie) des délégations à notre cause.

"La candidature de l'équitation de tradition française a été inscrite avec le soutien du Japon, de la Croatie, de l'Espagne, de l'Azerbaïdjan, de Chypre, du Maroc, du Paraguay".

 

*

 

À la lumière de ce qui précède, est-il possible de définir les contours (même flous) de la communauté en charge de l'Équitation de Tradition Française ?

Si l'on s'en réfère à la décision du Comité intergouvernemental, cette communauté est formée autour du "dénominateur commun des cavaliers résidant dans le souhait d'établir une relation étroite avec le cheval, dans le respect mutuel et visant à obtenir "la légèreté".

Ce seul ciment est-il suffisamment enliant pour définir les contours d'une communauté ?

Assurément non ! C'est pourquoi, il convient d'élargir d'une part la description du concept d'Equitation de Tradition Française et, d'autre part, le spectre des cavaliers concernés par l'expression de cette pratique équestre.

Reprenons le dossier de candidature et tenons-nous à la profession de foi qui y figure :

"Héritage d'une pratique de plus de cinq siècles en France, l'équitation de tradition française se révèle universelle et utilisable dans tous les domaines équestres. Sa doctrine, fruit de la réflexion de plusieurs lignées d'écuyers conduit à un rapport harmonieux entre cavalier et monture, devenant alors bien plus qu'une simple technique mais surtout une éducation, une gymnastique, un art.

"Cette équitation exige que la discrétion des interventions de l'écuyer, l'absence d'effets de force et de contrainte orientent tous les principes et tous les processus de l'éducation du cheval. Ce que l'on nomme la légèreté constitue alors sa « signature ». La fluidité des mouvements, la flexibilité des articulations, assurent que ce dernier participe volontairement à l'exercice suggéré. C'est là un rapport à la nature conduisant aussi à l'éducation des cavaliers grâce à une coopération raisonnée alliant les exigences de l'homme et le respect du corps comme du moral du cheval".

Il n'y a évidemment aucun cavalier qui puisse rejeter une telle profession de foi. De là à la mettre en œuvre dans sa pratique quotidienne, il y a tout de même une distance pour le franchissement de laquelle seule une minorité est disposée.

Or, quoiqu'il en coûte, c'est cette minorité seule qui forme la communauté des cavaliers pratiquant l'Équitation de Tradition Française.

Cette évidence d'une restriction de la communauté aux seuls cavaliers s'engageant à pratiquer une équitation conforme à la description qui en a été faite auprès de l'Unesco n'est pas en accord avec le "plan de sauvegarde" imaginé par le Ministère de la Culture pour la seule Ecole Nationale d'Equitation et se déclinant sur 3 axes :

  •  colloques et démonstrations didactiques, etc...
  •  développement du centre de documentation de l'E.N.E.
  •  prise de conscience dès la formation élémentaire en club grâce à la participation de la FFE...

Si tel est le plan de sauvegarde qu'adopterait la communauté -- à la condition expresse que celle-ci pût être identifiée correctement pour l'ensemble de ses dimensions culturelles et ne pas être réduite à la seule E.N.E. -- alors il n'y aura aucune sauvegarde véritable du patrimoine ; il n'y aura que poursuite de la lente dégradation de l'équitation française, qu'elle soit de tradition ou non.

Pessimisme ? Non, réalisme empirique.

 

[1] Dans un excellent article intitulé "Qu'est-ce qu'une communauté ? Une perspective sociologique", Phil Bartle, docteur en philosophie, présente une manière très concrète et opérationnelle d'appréhender le concept de communauté et d'en favoriser la viabilité (traduction Jovite de Courlon) : http://cec.vcn.bc.ca/gcad/whatf.htm. Les développements qui suivent sont largement inspirés par ce travail.

 

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